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Phèdre

Au royaume de Trézène, Phèdre, épouse du Roi Thésée, semble souffrir d’un mal incompris de tous. Elle lutte secrètement contre la passion qu’elle éprouve pour Hippolyte, le fils de son époux. Tourmentée par des sentiments qu’elle ne maîtrise pas, elle cherche en vain à l’éloigner d’elle. Hippolyte, fuit de son côté son amour pour Aricie, jeune femme issue d’une lignée ennemie au roi Thésée. Il décide de partir loin de Trézène et de se mettre à la recherche de son père disparu.

Note d’intention

« Le mythe est la relation d’un événement qui n’a jamais eu lieu à propos d’une chose qui existe depuis toujours ». Salluste, historien.
« En représentant la pitié et la frayeur, la tragédie réalise une épuration de ce genre d’émotions. » Aristote, extraits de La Poétique.
Phèdre est un mythe. Le Phèdre de Racine, qui puise ses sources dans le Hippolyte porte couronne d’Euripide mais également dans le Phèdre de Sénèque (récit de la mort d’Hippolyte par Théramène), sera la dernière tragédie profane de Racine.

La représentation théâtrale du mythe me semble essentielle. Parce que le mythe a besoin d’être sans cesse répéter pour de nouveaux publics. Parce que le mythe permet d’interroger les fonctionnements humains le temps d’une représentation. Principe fondamental de la catharsis qui anime mon travail depuis le début.

Phèdre nous parle du désir. Désir non manifesté au début de la pièce et qui provoque l’agitation dans le coeur de Phèdre. Une lutte entre un désir inavouable et l’image que Phèdre croit devoir incarner. Cette dualité entraîne toute une série de conséquences (le rejet d’Hippolyte, l’errance de Phèdre…) Dès que ce désir sera exprimé, une succession de réactions en chaîne mèneront les personnages vers la tragédie.
Et si cette lutte nous renvoyait à la double nature de l’Homme : animalité et raison ?

A propos de son Margot, Laurent Brethome écrit : « Margot est le fruit de mon envie de porter sur un plateau de théâtre une pièce qui exhibe les visages et les ressorts de la monstruosité, monstruosité tapie dans les coeurs et les cerveaux… ». C’est cette même envie qui a suscité mon désir de proposer une nouvelle version de ce monument de la littérature française qu’est Phèdre. Quelle est la source de cette monstruosité ? Peut-on transcender nos propres démons si on ne les connaît pas ?

Hervé Richardot, metteur en scène

La dureté du sentiment amoureux : ligne directrice de la création scénographique

Dur par son caractère primaire : le désir, cet instinct animal , cette part d’inconnu, d’ombre en nous, qui nous accable de pulsions incontrôlées, inarrêtables et irraisonnées. Pour Phedre, cela s’exprime par une scandaleuse attirance pour son beau-fils. Ces cruels sentiments sont rendus sur scène par des choix de matériaux bruts, des matières premières à peines travaillées, que ce soit pour les costumes (fourrures) ou pour les éléments de décor (tôles).

Dur car paradoxal. Dans un espoir démesuré, la reine de Trézène, après l’avoir longtemps rejeté, avoue à Hippolyte sa fascination pour lui. Ce délire amoureux la submerge d’émotions contradictoires. L’amour et la haine, la raison et la passion, la dignité et l’abandon de soi.
Autant d’idées contradictoires qu’il fallait prendre en compte dans la construction du décor. Un argument de plus en faveur du métal. Parce qu’il est conducteur, il s’approprie les températures ambiantes jusqu’aux plus extrêmes. Il peut aussi bien refléter l’austérité du froid que le réconfort de la chaleur. Mais qui s’approche trop se brûle. Le désir inavouable de Phèdre entraînera le royaume droit dans le mur.

Dur car paradoxal. Dans un espoir démesuré, la reine de Trézène, après l’avoir longtemps rejeté, avoue à Hippolyte sa fascination pour lui. Ce délire amoureux la submerge d’émotions contradictoires. L’amour et la haine, la raison et la passion, la dignité et l’abandon de soi.
Autant d’idées contradictoires qu’il fallait prendre en compte dans la construction du décor. Un argument de plus en faveur du métal. Parce qu’il est conducteur, il s’approprie les températures ambiantes jusqu’aux plus extrêmes. Il peut aussi bien refléter l’austérité du froid que le réconfort de la chaleur. Mais qui s’approche trop se brûle. Le désir inavouable de Phèdre entraînera le royaume droit dans le mur.

Il fallait donc redessiner cette instabilité, au moyen d’éléments de décor modulables. La scénographie évolue constamment autour d’un trône planté qui attend son détenteur légitime.

Tantôt elle prend la forme d’une salle du trône en apparence solide et symétrique, tantôt une alcôve, un recoin isolé où s’élaborent les complots. Les murs ont des oreilles et les prétendants au trône grouillent autour de la couronne. Les tôles trouées parfois complètement opaques, parfois translucides, permettent de se cacher des autres tout en les épiant.

Mais si on peut se cacher des autres mortels, le soleil reste témoin de tous les pires vices humains. Phèdre, sa fille maudite, inculpe les dieux de cet inadmissible amour, qu’elle croit être une malédiction. La tragédie s’écoule en une rotation de Terre sous la lumière divine, immaculée, intouchable et inébranlable de notre étoile.

Noémie Mancia, scénographie et lumière